30-01-2012
Dans une certaine littérature, on classe les personnes d’inspiration religieuse comme appartenant à l’espèce “homo religiosus”. Cela sonne comme une dénomination de la taxinomie biologique de Linné. Dans le complètement délirant néo-darwinisme (la source presque inépuisable de nombreux intellectuels contemporains, pour tout et n’importe quoi qui se veut être une « explication scientifique »), cette dénomination suggère que dans l’espèce humaine fut créée une variante avec une tendance à la religiosité, ce qui offrait un « avantage évolutionniste » temporaire. Cette branche de l’Homo sapiens, selon de nombreux libres penseurs, ne survivra pas à la modernité, car ils n’arriveront pas à s’adapter à l’évolution culturelle qui libérera l’humanité pour de bon de toutes les illusions religieuses. Au contraire, les anthropologues qui ne sont pas guidés par des préjugés idéologiques, mais par la réalité archéologique, suggèrent que les expressions religieuses firent partie du comportement humain typique, dès les premiers stades de l’Homo sapiens sapiens moderne (et même certains hommes de Neandertal). La réalité contemporaine nous dit également que ceux qui cherchent seulement en eux-mêmes les normes pour leur pensée et morale, et qui ont déclaré que Dieu (ou les dieux) étaient « morts », ne représentent globalement qu’une minorité assez faible.
Objectivement, tout indique que la personne moyenne, par nature, possède une tendance spontanée ou une prédisposition à la piété, et que l’athéisme peut être vue plutôt comme une exception à la règle générale. Les athées voient cela autrement que les gens qui croient au surnaturel. Ils recherchent une explication à la religiosité humaine dans les instincts de base de l’homme, comme sa peur de l’inconnu et de sa propre mort. Ils ignorent de façon conséquente que l’homme puisse ressentir un autre et même plus grand besoin que la préservation confortable de sa simple existence physique. Pourtant l’homme aspire, d’une manière presque instinctive et irrésistible, à quelque chose de totalement inaccessible aux animaux, et apparemment non pertinente pour des gens qui supposent qu’ils appartiennent seulement à une espèce animale intelligente. Il est pour l’homme aussi naturel de respirer et de manger, que de rechercher le SENS de sa vie. Même s’il interrompt cette quête pour l’une ou l’autre raison, et qu’il adhère comme Nietzsche à la croyance dans le non-sens, il demeure au plus profond de lui-même troublé. C’est un trouble qui le pousse à intervenir dans des débats théologiques et à imposer aux autres, de manière prosélyte, sa vision anti religieuse, malgré le fait que pour un adepte du non-sens et de l’absence de Dieu ce soit en somme une pure perte de temps.
Jésus l’a formulé de cette façon : « L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt. 4,4). Tandis qu’Il marchait le long du lac de Génésareth, quelques pêcheurs l’entendirent prononcer ce genre de mots. Ceux-ci répondaient tellement à un profond désir en eux, dont ils n’étaient peut-être pas ou presque pas conscients avant, qu’ils laissèrent spontanément tout leur travail et tous leurs soucis derrière eux, pour suivre cet Homme étrange avec son regard pénétrant tout plein d’amour. Son message toucha le noyau essentiel de leurs questions de vie et de leur propre être. Bien plus tard, quand Jésus leur demanda s’ils voulaient aussi s’en aller, comme tant d’autres qui L’avaient déjà quitté, Simon, en leur nom et le sien, dit : « Seigneur, où irions-nous ? Tu as les paroles de vie éternelle » (Joh. 6,68). La foi chrétienne est un choix, une décision de la libre volonté, qui mène à la compréhension plus profonde à laquelle aspire tout homme.
Les athées voient cela de manière très différente. Selon eux, le besoin de religiosité a émergé à partir des besoins fondamentaux existentiels. Leur thèse est que Dieu n’a pas créé l’homme à Son image et ressemblance, mais que les gens par leur imagination ont créé un Dieu ou des dieux qui répondent à leurs besoins. Ils ont en partie raison : les dieux de l’ancien monde et des cultures païennes représentent en effet les principales préoccupations et les craintes vécues par les peuples qui les adoraient. Le soleil était nécessaire pour l’énergie de vie, le tonnerre leur inspirait de la crainte, la pluie apportait la fertilité, la lune réglait l’organisation du temps, etc… Mais dans tout cela, ces gens étaient généralement conscients qu’il y a un Dieu suprême, qui est à l’origine de toute existence et que leur courte vie terrestre connaît une suite dans un au-delà.
On peut facilement imaginer une déclaration inverse : les athées se créent une image de l’homme qui répond le mieux à leur propre monde, régi par les dieux humains ou inhumains que sont les motifs qui les inspirent. Dans la philosophie de Nietzsche, ce fut le pouvoir, chez d’autres l’hédonisme et l’ambition décident de leurs actions. Quand ces “dieux” leur sont enlevés, ils glissent dans un vide absurde, où il n’y a pas beaucoup de sorties de secours. Ils se trouvent alors principalement devant le choix entre le désespoir, la folie ou le suicide. Nietzsche se perdit dans la folie. Notre écrivain flamand primé Hugo Claus choisit, en vie et en bonne santé, les dieux de la gloire personnelle et de la jouissance, au lieu d’un hommage au Créateur qui lui donna ses talents. Lorsque ces idoles l’ont abandonné, à la suite de la maladie d’Alzheimer, il décida de « quitter dignement la vie ». Il fut assisté en cela par la jurisprudence païenne de notre pays. Celle-ci classe la situation d’une personne ayant réussi sa vie, qui devient mentalement et physiquement dépendant des autres, comme « souffrance potentiellement insupportable ». Le médecin qui, avec un collègue, a « établi » qu’elle est « insupportable » (Comment ? Sur base de leurs critères personnels ou idéologiques ?) reçoit l’autorisation d’ôter la vie à son patient, pardon, de l’euthanasier.
La vision de Dieu des chrétiens versus celle des athées
Les personnes religieuses en général et les chrétiens en particulier ne prétendent pas tout savoir, ou même en savoir beaucoup sur le Tout-Puissant qui créa le ciel et la terre à partir de rien. Dieu reste pour eux un mystère qui est trop grand pour les mots et les concepts humains. L’homme peut seulement tenter de comprendre quelque chose de l’essence de Dieu. Les musulmans expriment cette incapacité par une longue litanie de titres avec lesquels ils décrivent Allah. Le Juif connait un seul nom de Dieu qu’il ne peut même pas prononcer et qui peut être traduit par la description ontologique de lui-même que Dieu donna à Moïse : « Je suis celui qui est ». Paul expliqua à ses chrétiens convertis que nous ne pouvions au maximum observer Dieu que comme dans un miroir (de cuivre), où l’on distingue difficilement une image floue. Les chrétiens les plus zélés polissent leurs miroirs régulièrement, mais seulement des plus grands saints on suppose que de leur vivant ils ont pu, comme Moïse, percevoir quelque chose de Dieu.
Le Christ a dit à ses disciples : « Celui qui me voit, voit le Père » (Joh. 14,9). Il faut d’emblée préciser aux lecteurs qu’il s’agit d’une métaphore. Le Christ ne veut pas dire que son Père dans le Ciel soit Quelqu’un avec une barbe et des traits semblables à Lui, mais que tout ce que Jésus fit et diffusa, son expression faciale incluse, se référait à son Père. Cette déclaration fait allusion, en fait, au texte de la Genèse : « à son image et ressemblance, Il les créa ». L’apparence physique d’un homme ne peut pas ressembler à Dieu, car il est le résultat d’un processus biologique de la création qui est en constante évolution. Dieu n’est pas soumis à des processus que Lui-même à conçus. La ressemblance se réfère à l’intérieur de l’homme, qui se manifeste dans son comportement. Cet intérieur est perturbé par le péché, et ses actions ne répondent donc plus à la volonté de Dieu. Le Christ nous a montré à nouveau l’homme voulu par Dieu à l’origine, l’homme dont le comportement physique est en parfaite harmonie avec la volonté de Dieu.
Les athées nient un « dieu » dont l’image et les caractéristiques générales sont le résultat de leur propre façon de penser et non pas celle de l’homme religieux. Ils voient la réalité comme une affaire purement matérielle et les gens comme des êtres avec seulement des besoins existentiels. Ceux-ci auraient donc selon eux fabriqué un « dieu » qui répond à leurs besoins et c’est contre ce dieu qu’ils partent en guerre, armés d’un jargon spécifique athée. Ils se battent donc, un peu comme Don Quichotte, contre leur propre illusion. Le problème fondamental est qu’ils ne cherchent pas à connaître Dieu et à le comprendre comme Il est, mais ils partent d’une fausse image de Dieu, dont il est évidemment facile de prouver que quelque chose de tel ne puisse exister. En bref : ils raisonnent dans un cercle vicieux, dans lequel ils veulent prouver quelque chose sur base d’une hypothèse qui a en soi tous les éléments nécessaires pour faire réussir leur argumentation.
Le caractère anthropomorphe (ressemblant à l’être humain) du « dieu » qu’ils nient, se reflète bien par exemple dans une liste de plus d’une centaine de « questions à un chrétien » qui s’affichent sur un site athée. Pour en citer quelques-unes, dont certaines seraient bien à leur place près de la pompe à bière d’un bistrot local : « D’où vient ton dieu ? De quoi est formé ton dieu ? De quel genre est ton dieu ? Pourquoi ton dieu a-t-il besoin des gens pour répandre sa parole ? Pourquoi ne fait-il pas cela lui-même ? Pourquoi nous ne désapprouvons pas un dieu qui, selon de nombreux croyants, est en mesure chaque jour de sauver les gens, mais ne le fait pas ? Pourquoi Jésus n’a-t-il pas été reconnu par les Juifs comme leur Messie annoncé ? La foi chrétienne est-elle fondée sur la peur ? Comment un Dieu bon peut-il punir le gens juste parce qu’ils ne croient pas ? Est-ce que le dogme de la Trinité est en ligne avec la Bible ? » Si les auteurs de cela étaient vraiment intéressés par des réponses chrétiennes, il ne serait guère difficile pour eux de les trouver dans la littérature chrétienne. Un catéchisme éliminerait déjà de nombreuses questions. D’autres questions sont plus complexes dans leur nature et nécessitent une réponse détaillée. Mais pour qu’ils puissent comprendre ces réponses, ils doivent d’abord se rendre compte qu’un chrétien ne voit pas Dieu comme un supercalculateur destiné à résoudre nos problèmes terrestres, et non plus comme une version spiritualisée du dieu soleil des Incas, ni comme un super-dieu des Celtes ou des Hindous.
Un chrétien qui parle de Dieu sait qu’il se tient devant le Saint. Dieu reste un mystère insondable pour l’homme terrestre, qui est probablement exprimé le mieux par sa Trinité. Devrions-nous pouvoir comprendre et décrire Dieu tout à fait, alors nous deviendrions potentiellement comme Lui. Cela est en effet son but ultime avec nous, mais pour cela nous devons suivre avec humilité, en tant que créatures, le chemin qu’Il a déterminé. Il a en premier le droit de nous questionner et non l’inverse. Ses questions n’ont rien à voir avec la façon dont nous recherchons le maximum de « qualité de vie » pour nous-mêmes, ni avec nos connaissances théologiques. Il nous demande ce qu’on a fait pour promouvoir la qualité de vie des autres et comment nous L’avons honoré en paroles et en actes. De notre côté, nous pouvons également nous adresser à Lui avec nos questions, car nous aussi, en tant que chrétiens croyants, nous en avons évidemment de très nombreuses. Mais nous devons le faire en sachant que nous lui devons tout, même notre capacité à poser des questions. Si nous Lui recherchons avec humilité et confiance, alors Il se révèle à nous. Tôt ou tard, nos questions reçoivent une réponse, et même nos doutes s’évaporent lentement. Puis nous commençons à nous réaliser qu’Il compatit avec nous dans toutes nos douleurs et nos peurs. Nous commençons à comprendre ce que signifie le fait qu’Il ait même envoyé son propre Fils pour nous montrer comment vivre et prier. Si nous croyons vraiment en sa parole, Il va réaliser ce qu’Il a promis : « Demandez et vous recevrez ». Prions donc Dieu pour ceux qui se débattent avec des modes de pensée qui ne permettent pas de Le comprendre, et pour nous-mêmes que nous suivions toujours plus fermement le chemin de Celui qui nous a précédé.