Le paysage frontière entre le présent connaissable et l’éternel impensable,
Par: Jean Guitton et les frères Bogdanov.
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Critique de livre (1)
25-05-2018
Introduction
Ce livre discute des résultats des travaux scientifiques qui brouillent les frontières entre ce qui est expérimentalement vérifiable et le domaine du monde de la foi. Ce brouillage semble annoncer la fin du matérialisme classique et nous confronte à une nouvelle école de pensée qui tente, pour ainsi dire, de faire une synthèse entre les anciens courants matérialiste et spiritualiste. L’auteur l’a donné le nom de « métaréalisme », car c’est une métaphysique qui aborde l’essence de la réalité d’une manière qui dépasse de loin le réalisme antérieur. Ce « réalisme jusqu’à l’os » tombe finalement en faveur du spiritisme, tandis que le matérialisme est dépouillé de son fondement: l’existence même de la matière et le rôle primordial du hasard aveugle.
Deux physiciens contemporains, Igor et Grichka Bogdanov, ont demandé à Jean Guitton (2) d’échanger des idées sur cette vision du monde en plein essor. Des conversations ultérieures est né ce travail, comme un exposé sous forme de questions et réponses, entremêlé d’émerveillement et de curiosité insatisfaisable, selon le meilleur des traditions philosophiques. Le profane, qui n’est pas formé scientifiquement ou philosophiquement, est emmené pas à pas sur le chemin des limites de la connaissance humaine actuelle . Alors qu’il est initié aux mystères des résultats de recherche stupéfiants qui semblent jongler avec la logique élémentaire, il doit constater qu’une grande partie de cette connaissance existe depuis un certain temps et que certains de ses éléments ont fourni une plate-forme de discussion fructueuse pour des cercles limités de grands physiciens et d’autres grands érudits depuis deux siècles. La lenteur avec laquelle de nouvelles visions globales émergent de cela et pénètrent un public plus large contraste fortement avec la rapidité avec laquelle les dernières découvertes sont transformées en nouveaux développements technologiques.
Pour ceux qui se soucient de l’évolution spirituelle qui déterminera le visage du XXIe siècle, c’est un livre précieux et instructif. Cependant, je crois qu’il est préférable de maintenir une distanciation critique de certains des aspects qui sont discutés, à la fois d’un point de vue religieux chrétien et scientifique. Les sujets abordés couvrent des domaines allant de l’inimaginablement petit à l’incommensurablement grand. Nous en commenterons quelques-uns des points principaux, en nous inspirant de ce que l’on pourrait appeler un « réalisme chrétien ».
Le mur de Planck
En 1900, le physicien allemand Max Planck a décrit le soi-disant « quantum d’action ». C’est une constante qui représente la plus petite quantité d’énergie qui existe dans notre univers. Cette constante détermine la limite extrême de la divisibilité du rayonnement et donc de toute divisibilité: elle détermine, entre autres, la plus petite distance possible entre deux objets apparemment séparés et la plus petite unité de temps possible. L’auteur pose à juste titre les questions stupéfiantes: pourquoi ces limites existent-elles et qui les a décidées? Qu’y a-t-il au-delà d’eux? L’univers connu est ainsi scellé comme par un mur.
L’étude des galaxies nous a donné la vitesse à laquelle elles se sont éloignées les unes des autres. En calculant dans la direction opposée, le moment où l’univers entier était concentré dans une sphère qui était des milliards x milliards x milliards de fois plus petit qu’un noyau atomique peut être déterminé. L’univers avait alors un âge de 10—43 seconde: appelé le « mur de Planck ». La physique ne peut pas aller plus loin. Les quelques physiciens qui pensaient avoir entrevu ce qui se trouve au-delà de ce temps limite ne peuvent pas dire un mot significatif à ce sujet. L’un d’eux, approché par Jean Guitton, a donné l’impression d’avoir vécu une hallucination métaphysique qui l’avait marqué à vie. Il voyait quelque chose comme une sorte d’explosion temporelle inversée, où le futur devenait le passé et les moments des éternités.
Mais pourquoi sommes-nous si déconcertés par l’existence de ces frontières infranchissables, telles que définies par la constante de Planck ? Notre monde de vie et de pensée n’est-il pas fait de frontières ? Tout ce que nous connaissons, percevons et différencions est caractérisé par ses limites typiques. Emmanuel Kant, le grand maître de la logique philosophique, nous a déjà clairement indiqué au 18ème siècle où se situent les limites de la compréhension humaine.
Et pourtant, il reste quelque chose de magique, quelque chose d’irrévocable, à ces limites extrêmes. Quelque part à l’intérieur de nous, nous continuons à avoir soif de réponses libératrices aux questions du pourquoi de notre réalité intérieure et du comment d’une réalité hors du temps. Et si nous osons réfléchir plus loin, la question de « Qui ? » se pose également. Comme toute démarcation de frontière, le mur de Planck nous présente un signe. Il nous dit: Quelqu’un a dit stop: jusqu’à là l’univers du connaissable, comme une île du temps dans un océan intemporel.
Le vide
La théorie quantique est basée sur l’étude des plus petites particules observables. Elle conduit à des conclusions qui obligent les chercheurs spécialisés dans ce domaine à s’exprimer de plus en plus en termes de nature métaphysique, voire religieuse. Le physicien John Wheeler dit du « quelque chose » qui a précédé le début de la création : « Tout ce que nous connaissons a son origine dans un océan infini d’énergie qui émerge de nulle part ». Selon le physicien quantique David Bohm, le temps, l’espace, la matière et l’univers ne sont « qu’une ondulation extrêmement petite sur un tout sous-jacent, qui lui-même provient d’une source externe éternellement créative ».
Si nous tournons notre attention vers le ciel étoilé, nous découvrons un nombre incalculable de corps célestes. Mais la totalité de sa masse stupéfiante est éclipsée par l’immensité incompréhensible du vide dans lequel cette masse est dispersée comme de minuscules grains. Si nous remplaçons ensuite les télescopes par des microscopes, nous avons tendance à penser que les objets d’étude sont de la matière remplie de parties de plus en plus petites. Mais aussi dans ce cas, nous nous retrouvons face à face avec un vide, dans lequel nous trouvons une quantité gigantesque d’atomes qui, cependant, n’occupent presque pas de place. Chaque atome est presque complètement vide, à l’exception de certains électrons et particules nucléaires, qui s’avèrent également ne pas être des objets matériels. La physique quantique les décrit comme des « tendances à exister » ou des « corrélations entre des choses observables au microscope ». Les physiciens d’aujourd’hui ont conçu une théorie qui est la fusion de la théorie antérieure de la relativité et de la mécanique quantique: la « théorie quantique relativiste des champs ». En cela, une particule n’existe pas par elle-même, mais seulement par son effet. L’ensemble des effets donne naissance aux « champs » (champ électromagnétique, gravitationnel, proton, champ d’électrons).
Plus les accélérateurs de particules dont disposent les spécialistes du quantum sont puissants, plus des particules sont découvertes. On leur donne des noms à consonance scientifique (photons, neutrons, hadrons, quantons, leptons, …) ou parfois romantiques, comme « charme ». Les plus petits sont appelés quarks. Leur existence est supposée, mais ils n’ont pas encore été directement observés et sont considérés comme insaisissables par de nombreux physiciens. La durée de vie de certaines particules est parfois si faible que seuls les instruments les plus sensibles peuvent enregistrer leur présence. Mais quel est le résultat final de tout ce travail d’enregistrement et de recherche?
L’étude des allées et venues des particules fondamentales, de leur fonctionnement et de leurs interactions a forcé une révision fondamentale des concepts scientifiques de la réalité observable. La matière a cédé la place à un vide de quanta, chargé d’énergie. Les particules élémentaires s’y trouvent ou apparaissent et disparaissent spontanément en raison de ce que l’on appelle les « fluctuations d’état ». Certaines particules plus stables forment les atomes à travers leurs champs et donc les objets avec leur apparent remplissage. Un vide chargé d’une certaine quantité d’énergie peut donc créer spontanément de la matière, ce qui se fait encore en partie sous forme de particules volatiles. La physique quantique suggère que la cause du Big Bang était le transfert d’un flux incommensurable d’énergie vers le vide originel.
La nature réelle des particules ne semble pas encore claire. Une forme d’onde, un paquet d’énergie, un phénomène de réaction, un mélange de tout cela, ou, comme déjà mentionné, une « tendance à exister » ? Après tout, les champs eux-mêmes seraient des champs d’information. Tout cela, bien sûr, a un caractère spéculatif, puisque les physiciens font une étude théorique de quelque chose sur lequel ils ont peu ou pas de contrôle. Mais la nature de ce qui ne peut pas être étudié directement peut être vue à partir de ses conséquences. Si les champs supposés ne contenaient pas d’informations très précises et ciblées, ils ne pourraient jamais donner naissance au monde qui est le nôtre : un monde d’objets relativement stables dont les interactions sont mathématiquement prévisibles et avec une composition extrêmement compliquée de forces d’équilibre et de vibrations.
Encore une fois, ce n’est qu’une question d’humilité et d’honnêteté de faire le pas en avant et de poser avec crainte la question de l’Être qui a assigné ces flux d’énergie incroyablement grands chargés d’informations à notre île temporelle.
Enfin, il y a quelque chose qui me manque dans l’intervention de Jean Guitton et de ses interlocuteurs : à savoir la question de la nature du vide lui-même. Un vide complet n’existe pas dans la pratique, car il y a toujours un minimum de rayonnement partout. On parle donc d’un vide quantique, un concept qui semble avoir fait ses preuves. Mais un « vide théorique » est-il possible ? Un espace borné ou non borné plein de « rien » peut-il exister ? Personnellement, je ne pense pas. Le fait que la réalité SOIT là exclut, à mon avis, la possibilité de tout « absolument rien ». Le vide sera encore discuté plus tard, lorsque nous creusons encore plus profondément dans la base de la réalité à la suite d’un test scientifique intrigant.
L’essence de la réalité
Dans ce qui précède, on a tenté de donner un bref aperçu de certaines des découvertes auxquelles les physiciens sont parvenus après un siècle de réflexion et de recherche. De plus en plus d’entre eux voient l’univers comme une scène géante de traitement de l’information. (3)
L’auteur estime que cette révolution scientifique conduira à une troisième ère de la physique : après l’inventaire des mouvements par Galilée, Kepler et Newton et la physique quantique qui a fait l’inventaire des lois qui régissent les changements, la prochaine étape serait de déchiffrer le pourquoi des lois de la nature elles-mêmes. Cependant, son enthousiasme est tempéré par la remarque de Grichka Bogdanov selon laquelle les processus fondamentaux se situent au niveau du « réseau d’information » au-delà du monde des particules élémentaires. La technique devrait résoudre ce problème. Comment cela peut se faire n’est absolument pas clair, étant donné que, comme expliqué ci-dessus, nous entrons irrévocablement en collision avec le mur frontalier de Planck.
De plus, la théorie quantique ne s’est pas arrêtée à un inventaire, mais a analysé la réalité de manière encore plus approfondie. Elle est arrivée à la conclusion que si un objet est observé au niveau atomique, son existence même ou sa réalité est liée à la façon dont nous le percevons.
Pour illustrer ce lien mystérieux, un procès célèbre est cité, réalisé pour la première fois par Thomas Young en 1801. Sa disposition est assez simple: une surface avec deux fentes verticales étroites, avec une source de lumière devant elle et un écran derrière elle. La figure projetée sur l’écran montre curieusement un motif d’alternance de rayures sombres et claires. C’est un modèle d’interférence typique, et la conclusion logique de Young était donc que la lumière est un fluide qui se propage avec les mouvements des ondes. Mais Einstein a fait valoir que la lumière est composée de particules élémentaires, les photons. La question est alors de savoir comment ces particules tourbillonnantes peuvent former un motif aussi précis. Il apparaît également que si l’on « tire » photon par photon à partir de la source de lumière fortement affaiblie, le site d’impact d’un photon (et donc son comportement) est modifié en fermant l’une des deux fentes. Ainsi, la particule semble « savoir » si la fente est fermée ou non. En fait, si l’on veut déterminer expérimentalement par quelle fente chaque photon passe, alors chaque particule se comporte exactement comme on pourrait s’y attendre d’une particule qui traverse une fente et la totalité des impacts ne forme pas une figure d’interférence sur l’écran. Si l’on ne se soucie pas de suivre son chemin pendant le test, alors cette figure est créé.
Ce test donne lieu à des conclusions très profondes et à des réflexions controversées, dans lesquelles on se retrouve dans un monde quantique extrêmement déroutant pour les profanes, dans lequel des grands savants adoptent les positions les plus farfelues. Le scientifique atomique Niels Bohr a répondu comme suit quand quelqu’un lui a présenté une nouvelle explication des énigmes de la théorie quantique: « Votre théorie est folle, mais pas assez folle pour être correcte ». Certaines des principales hypothèses possibles sont: – les particules ont une sorte de conscience, – il existe des mondes parallèles qui sont soit tous également réels mais dont nous n’observons qu’un, soit ne sont que virtuels et dont un seul devient réel par l’observation, – tout est connecté à tout.
Jean Guitton suppose que le test prouve que la perception et donc notre conscience a une influence directe sur le comportement de la particule. Sa conclusion est que l’esprit est à proximité des extrêmes invisibles de ce monde. Là, dans les profondeurs énigmatiques de la théorie quantique, nos esprits humains et l’esprit de Dieu peuvent se rencontrer. Il voit le comportement imprévisible des particules comme la preuve que nous vivons dans un monde indéterminé. Il appelle les particules « les dés de Dieu ». C’est alors à nous de lancer ces dés dans la bonne direction. Les frères Bogdanov semblent d’accord, mais leurs commentaires se limitent à une explication scientifique plus sèche. Selon eux, il faut se distancier de l’idée que le photon est un objet particulier. C’est une fonction d’onde ou une « onde de probabilité » tant qu’elle n’a pas été observée et devient ce que nous appelons une particule uniquement par observation. Un raisonnement similaire s’applique aux autres particules.
Les discussions qui suivent développent l’existence ou la non-existence de mondes parallèles qui se divisent encore et encore à chaque nouvelle option et dont nous ne connaissons qu’une seule. Cette idée est rejetée par Jean Guitton, et à juste titre, à mon avis. De plus, nous nous retrouvons dans un monde de pensée dans lequel les concepts actuels sur la matière, la conscience et l’esprit sont abandonnés et la question se pose, entre autres, de savoir si notre champ de conscience n’appartient pas au même continu que le champ quantique.
Certainement pas une littérature adaptée aux lecteurs qui préfèrent garder les pieds dans la réalité humaine quotidienne ou qui aiment les données claires et concrètes. Pour les rassurer, l’auteur de cet article émet aussi quelques réserves sur les digressions merveilleuses, mais parfois trop enthousiastes du grand philosophe français.
Entre toute cette violence de trouvailles vertigineuses et des méga-théories scientifiques, il y a quelque chose qui n’est pas suffisamment abordé : l’humilité scientifique qui conduit à une plus grande autocritique. On peut se demander si les scientifiques ne perdent pas les pédales.
Il se pourrait que ce soit le cas avec les conclusions de l’expérience décrite ci-dessus. On suppose qu’une observation scientifique arrive à la conclusion que c’est l’observation qui détermine le résultat. N’est-ce pas un raisonnement circulaire typique ? Nous devons garder à l’esprit qu’au niveau quantique, on est à la limite et au-delà de la capacité perceptuelle humaine. Dans ces circonstances, la prudence scientifique devrait tenir compte de la possibilité sérieuse d’erreurs d’observation et d’évaluation. Par exemple, si l’on regarde sous un jour trop fort, on voit des taches aveugles, qui n’existent évidemment pas vraiment. La science dépend toujours en fin de compte des faits observés par les humains. Mais notre marge d’observation est limitée. Après tout, nous n’avons que cinq sens qui envoient une gamme limitée de stimuli externes à notre cerveau. Certaines espèces animales entendent, sentent, voient et ressentent des choses dont nous n’avons aucune idée. De plus, on sait que toute observation ou mesure comporte inévitablement le danger d’une modification de l’étude.
Dans l’expérience de Young, je pense que le niveau de difficulté est poussé à la limite. Nous allons percevoir le médium lui-même que nous met en mesure de percevoir (la lumière). Il n’était pas clair avant ce qu’est réellement la lumière, et après avoir lu et relu les déclarations des chercheurs quantiques, cela n’est certainement pas devenu plus clair pour moi. Les seules certitudes demeurent qu’il se déplace à une vitesse de ± 300 000 km/s et qu’il est composé de radiations avec certaines fréquences. Mais aux questions cruciales « En quoi se déplace-t-il? »? » et « Qu’est-ce qui vibre exactement avec ces fréquences ?», la théorie quantique ne me semble pas non plus donner de réponse satisfaisante. Dans le passé, on parlait de vibrations de « l’éther », mais selon mon dictionnaire, ce concept est dépassé. Et pourtant, ne se pourrait-il pas que ce que nous appelons « vide » consiste bien en un milieu vibrant qui ne peut pas être perçu par nous ? Si l’on prend du recul et que l’on tient systématiquement compte du caractère limité de notre potentiel de perception, alors il faut oser faire face à la possibilité qu’il existe un vide que la science ne peut pas contrôler. Avec l’acceptation hypothétique d’un tel média, les interférences et autres phénomènes peuvent peut-être être expliqués mieux ou plus clairement qu’avec le vocabulaire confus avec lequel la théorie quantique tente maintenant de forcer les limites de notre connaissance.
Si nous supposons que le « néant » ne peut exister, alors le vide glacé de l’espace interstellaire doit être rempli d’autre chose que de faibles restes d’énergie. Alors il y a quelque chose qui peut être un média qui relie tout à tout. Dans ce cas, la vitesse à laquelle un signal lumineux peut être enregistré d’un endroit à un autre est facile à expliquer. Une réponse hypothétique mais logique peut également être trouvée pour d’autres questions quantiques que nous n’avons pas mentionnées ici et où, entre autres choses, une particule semble savoir ce qui arrive à l’autre. Et cette approche alternative sorti d’une vielle boîte (l’éther) conduit également à l’une des principales décisions de la théorie quantique: tout est en connexion continue avec tout.
L’ordre mathématique de l’univers
Parmi la richesse des informations fascinantes qui sont données au lecteur dans ce livre inspirant, nous trouvons des données mathématiques qui rendent un cœur croyant avide de joie. Ils nous montrent clairement avec quelle précision et brillance les lois qui ont conduit à la création de l’univers et à son maintien ont été conçues.
Dans la création, il y a des forces organisatrices qui sont encore inexplicables, mais qui peuvent être démontrées mathématiquement. Si l’on observe des phénomènes à petite échelle, on a souvent l’impression de chaos et de hasard, de particules, d’atomes ou d’objets sans loi dans leur structure ou leur comportement. Si l’on regarde les mêmes phénomènes en groupe ou à plus grande échelle, il devient clair qu’il y a un ordre partout inaperçu. Les spécialistes du chaos appellent le modèle selon lequel les choses s’organisent d’elles-mêmes « l’attracteur étrange ». Un exemple est la distribution uniforme de la matière dans l’univers. La taille observable de l’univers est de l’ordre de 1028 centimètres. Sur cette échelle, la matière totale a une densité uniforme, mesurée avec une précision de 10-25. À plus petite échelle, cependant, il existe une hétérogénéité, avec des galaxies apparemment dispersées au hasard.
L’univers entier ne repose que sur quelques constantes, qui peuvent être calculées avec une précision extrême. La constante de Planck a déjà été discutée. De plus, il s’agit de la constante gravitationnelle, de la vitesse de la lumière, de la température du zéro absolu, etc. Le plus petit changement aurait empêché l’univers tel que nous le connaissons de surgir. Si la densité de l’univers 10-35 secondes après le Big Bang n’avait montré qu’une légère différence avec la densité critique, sa formation ultérieure n’aurait pas été possible. La différence calculée avec la densité critique à cette époque est improbablement faible : environ 10-40. Le même ajustement parfait peut être trouvé avec tous les autres paramètres. Si la force électromagnétique était légèrement plus forte, les réactions chimiques deviendraient impossibles et par conséquent la formation d’ADN. Et ainsi de suite. Les ordinateurs préprogrammés pour produire le hasard prendraient un milliard de fois des milliards de milliards d’années pour trouver des combinaisons de nombres similaires à celles qui ont rendu la vie possible.
Une symphonie de nombres et de puissances réglés avec précision a été déployée à la naissance du temps et de l’espace dans la symétrie parfaite d’une tête d’épingle incroyablement petite. Depuis, cette symphonie accompagne les forces déchaînées du désordre et son apparition infernale. Il a amené la violence furieuse de l’univers en pleine explosion à une harmonie dynamique, dans laquelle la vie s’est finalement déployée, prévue et calculée par la Cause de tout ce qui est devenu.
L’homme moderne qui doute ne doit pas craindre que la science supplante Dieu. La science Lui appartient et Il l’utilise à Sa gloire. Les chiffres célèbrent sa grandeur et son génie. Des générations d’érudits matérialistes, qui, avec leur croyance aveugle dans le chaos et le hasard, ont créé des régimes qui ont tyrannisé des peuples entiers avec leur idéologie perverse, sont couverts de honte. S’ils avaient étudié cette symphonie avec simplicité, ils auraient reconnu la grandeur du compositeur, les écailles matérialistes seraient tombées de leurs yeux, et ils auraient finalement vu ce qui est spontanément évident pour beaucoup de gens simples et d’analphabètes.
La science nous a montré que l’ordre émerge du désordre apparent. Mais qu’est-ce que « l’ordre » exactement ? Quelque chose qui est conforme à des lois fixes? Mais pourquoi exactement ces lois ? N’est-il pas temps de décrire l’ordre comme ce qui correspond à la volonté du Grand Attracteur Ultime ?
Errances de la science
Il semble que le monde scientifique, déconcerté par le comportement particulier des plus petites particules, fasse un mouvement de balancier, passant d’une attitude extrêmement sceptique à prédominance matérialiste à des points de vue qui semblent plutôt spirituels (ou virtuels?) de nature. On va jusqu’à faire dépendre l’existence même de ce que nous appelons la réalité concrète de sa perception.
Dans un tel contexte, on abandonne la voie sûre de la logique, c’est-à-dire les lois qui (devraient) régir notre pensée. Après tout, si la réalité dépendait de sa perception, non seulement cette réalité observée particulière n’apparaîtrait que lorsque nous en prendrions conscience, mais aussi son histoire avec sa propre chaîne de causes et d’effets, qui à son tour a dû avoir des conséquences sur d’autres réalités perçues. Tout cela devrait alors être parfaitement juste, de telle sorte que l’ensemble des faits observés forme un ensemble cohérent pour tous les observateurs possibles. En outre, il faut définir ce que l’on entend par « perception ». Le fait de voir? La conscience que l’on « voit » quelque chose ? Les observations d’êtres autres que nous, ou d’autres formes de perception, s’appliquent-elles également ici ?
C’est là que les rôles sont tournés. L’observation n’est qu’un médium entre nous et la réalité. L’effet de ce medium sur les objets enregistrés est généralement faible, tandis que l’impact sur l’observateur peut être important. Il stimule les sphères de conscience chez l’observateur et en crée parfois de nouvelles. S’il prend le nouvel ajout à sa conscience comme les causes de la réalité enregistrée, alors il se perd dans un monde délirant. Le scientifique qui commence à penser dans cette direction assume à nouveau une fonction divine: cette fois non seulement seigneur et maître d’une matière neutre qui génère des phénomènes spirituels secondaires, mais bien plus que cela: sa conscience (scientifique?) crée ou dirige l’existence même de la matière. Après tout, il devient un candidat illusionniste plutôt qu’un spiritualiste ou un méta-réaliste.
D’autres scientifiques tentent d’expliquer les phénomènes quantiques observés avec la théorie susmentionnée des mondes parallèles toujours divisés dont nous ne connaîtrions qu’un. Cette attitude métaphysique semble étrangement étroitement liée à la mentalité de plus en plus propagée qui suppose que toutes les vérités proclamées sont égales: la « vérité de tout homme », ou dans la variante de Pilate: « Quelle est la vérité? ». On opte donc pour une solution facile, qui troque la recherche de la vérité qui caractérise l’être humain contre un fatalisme. Entre-temps, de nombreux ex-croyants sont tombés dans le piège de multiples vérités qui, pour diverses raisons, continuent de se dire catholiques.
La pensée philosophique appartient à la quête humaine. La question centrale est « Qu’est-ce que le fait d’être ? ». Si nous essayons de formuler une réponse satisfaisante à cela, nous remarquerons que nos instruments intellectuels sont inadéquats. Le métaréalisme ne changera pas cela non plus. Plus nous essayons de saisir fermement l’essence du fait d’être, plus elle nous glisse entre les doigts. Il n’y a qu’un seul moyen de résoudre ce problème : compléter nos instruments avec des références, des vérités fondamentales indémontrables que nous acceptons humblement ont été mises à notre disposition par l’Être suprême lui-même, répondant aux certitudes qui existent quelque part au plus profond de nous.
Jean Guitton ne l’exprime pas ainsi, mais parle de son « intuition ». Les penseurs comme lui ne sont pas infaillibles, mais font partie de la chaîne dont nous avons besoin pour déchiffrer le langage que Dieu a donné à sa création. Si nous commençons à mieux la comprendre, le charabia chaotique d’une humanité pharisaïque cédera la place à Un hymne sonore et toujours plus fort en son honneur.
IVH
(1) Édition originelle française : Dieu et la science, Ed. Grasset et Fasquelle, 1991.
(2) Jean Guitton (18 août 1901 – 21 mars- 1999) était un philosophe et théologien catholique français.
Igor Yuryevich Bogdanoff (29 août 1949 – 3 janvier 2022) et Grichka Yuryevich Bogdanoff (29 août 1949 – 28 décembre 2021), également connus sous le nom de Bogdanov, étaient des frères jumeaux français qui ont acquis une renommée en tant que présentateurs de télévision et scientifiques populaires. (source : Wikipédia).
(3) (Ajout postérieur). L’apôtre et évangéliste Jean l’avait déjà compris de son intuition religieuse : « Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu… Tout a été créé par Lui… ». Traduit en termes scientifiques, cela pourrait être exprimé de cette manière: « Dieu a donné à la création l’information qui l’a rendu possible ».