02-03-2021
(Traduction de la page 2, intitulée « De bonobo en de 10 geboden » (« Dieu et les dix commandements », de l’article néerlandais « De oorsprong van de moraal », dans notre rubrique « Ethiek ») (*)
En lisant cette œuvre bien écrite de Frans de Waal, pleine de faits intéressants sur le comportement animal, je me suis soudainement souvenu d’une scène de mes jours d’étudiant à la KUL (aujourd’hui K.U.Leuven). Sur le podium du grand auditorium, le professeur de philosophie Jan Van der Veken dansait autour d’une chaise. Le cours de philosophie est une des matières les plus redoutées des candidatures et la majorité des étudiants regardaient donc avec beaucoup d’attention et intérêt. Moi-même j’étais en proie d’un fou rire à la vue de cet acte comique. Franchement, à ce moment-là, j’ai raté le message que l’éminent professeur voulait nous envoyer : l’importance de la recherche de l’essence des choses.
Quelle est « l’essence » d’une chaise ? Après réflexion, on trouve la réponse logique : c’est un ustensile conçu pour faire s’asseoir confortablement les gens. Maintenant, imaginons une chaise étant lancée dans l’espace et qui d’une manière ou d’une autre abouti indemne chez des créatures spatiales intelligentes qui n’ont pas du tout besoin de s’asseoir. Ils ne peuvent pas non plus découvrir d’où vient soudainement cet objet étrange. La chaise ferait l’objet d’un examen approfondi, ce qui donnerait lieu à une description claire de l’ensemble, des pièces et du matériel utilisés. Mais sur les données principales, le but et le concepteur de la chaise, ces extraterrestres ne sauraient jamais rien.
Les athées modernes se sont placés dans le rôle de ces aliens en ce qui concerne leur propre espèce biologique. Ils supposent que Dieu n’existe pas et éliminent automatiquement tout ce qui pourrait se référer à l’existence d’un Créateur. Par conséquent, ils restent sans aucune explication de la cause ultime de l’existant observable (il est simplement là parce qu’il est là) et sans aucun objectif (parce que cela exigerait une instance créative, avec un objectif). Par conséquent, les conclusions de la recherche scientifique athée ne peuvent que mettre en évidence seulement les aspects matériels et technologiques de l’objet de recherche. Dans le cas discuté ici, il s’agit de la base des principes moraux et du comportement de l’homme moderne.
Plus généralement, une anthropologie « purement scientifique » tient compte de la ligne de démarcation entre les domaines de la religion et de la science. La première traite des aspects ontologiques de notre existence (sa signification et son origine), le second porte sur la façon dont nous avons « évolué » en l’espèce humaine actuelle. Ce sont deux domaines de connaissance complètement différents, l’un basé sur une « foi », l’autre sur des « observations ». Ils s’appuient donc sur des formes différentes “d’intelligence” à la disposition de l’humanité. La Bible n’est pas anti-scientifique, alors que la théorie de l’évolution n’est pas anti-religieuse en soi. Les problèmes ne commencent que lorsque l’un des deux « camps » se déplace témérairement dans le territoire de l’autre.
Frans de Waal se déplace avec ses publications dans et au-delà de la zone frontalière entre les deux domaines de connaissance susmentionnés. S’il a le courage d’aller encore quelques pas plus loin, il court même le « risque » de devenir un croyant religieux en plus d’être un scientifique … Bien qu’il confirme qu’il est un partisan du NOMA (« La magistère sans chevauchement »), il ignore cette règle de non-chevauchement et entre ouvertement dans le domaine religieux. Certes, il vise aussi le monde scientifique, mais son intention est clairement de démontrer la suprématie de la pensée scientifique. En fait, il semble supposer qu’il a largement réussi. Ici et là, il est tenté de faire des déclarations « fortes », inspirées par sa foi « dogmatique » en Darwin, l’homme qui peut compter sur un culte « patriarcal » chez beaucoup de ses disciples scientifiques.
Le titre néerlandais et anglais de ce livre est déjà trompeur. Il suggère un lien entre « les 10 commandements » et le comportement social des bonobos. À la p.80, l’auteur montre un arbre généalogique basé sur la recherche sur l’ADN. On y voit que les bonobos se sont séparés de la branche commune avec les chimpanzés il y a à peine deux millions d’années. Selon le même arbre généalogique, cela est 4 millions d’années après que la branche « humaine » s’est développée dans notre direction à partir de la souche que nous avons en commun avec tous les grands singes (ces dates ne sont pas absolues, mais plutôt approximatives et relatives). Un lien avec le comportement bonobo présuppose donc que ce comportement existait environ quatre millions d’années avant la naissance des bonobos eux-mêmes et que notre branche humaine a également largement continué ce comportement depuis lors. Ce scénario n’est pas vraiment « évolutif », mais semble forcé, spéculatif et dicté par des hypothèses matérialistes.
Il n’y a pas non plus de lien entre le comportement naturel du bonobo et n’importe quels commandements humains. Chez les animaux et les humains, le comportement est en partie motivé par des instincts de base qui sont principalement génétiquement déterminés. Dans les deux cas, ceux-ci sont complétés par des facteurs environnementaux, tels que la pression du groupe et le mimétisme. Mais seul l’homme est guidé (et dans de nombreux cas même principalement) par des « commandements » : un ensemble de règles de vie abstraites qui guident à la fois nos actions sociales et nos actions individuelles. Les animaux ne sont pas guidés par cela, à moins qu’ils n’y soient enseignés par les humains dans des cas spécifiques. En outre, dans les 10 commandements, il est explicitement question de Dieu et nous ne connaissons pas d’exemples d’animaux qui sont conscients d’un Créateur ou d’un Être Suprême.
Tout d’abord, il faut donc faire une distinction claire entre « comportement » et « moralité ». Le livre de Frans de Waal est plein d’exemples de comportement animal, un sujet fascinant magistralement expliqué par cet expert de renommée mondiale. Il montre son énorme capacité à comprendre les motivations et les mécanismes comportementaux des chimpanzés, des bonobos, des macaques et d’autres espèces de singes. Il décrit en détail l’interaction entre les chercheurs humains et les animaux étudiés. Nous sommes parfois étonnés de ce dont nos parents animaux les plus proches sont capables.
Au cours de l’évolution de la vie, ils ont, comme les humains, développé des modèles comportementaux qui, comme mentionné, sont instinctivement dirigés. Les principaux instincts ou « émotions » sont la peur, l’agressivité et l’empathie. Le premier freine les impulsions spontanées, le second aide à défendre sa propre position et celle du groupe, et le troisième est indispensable pour le maintien d’une vie sociale paisible et saine. Chez les animaux solitaires, ce dernier est le moins développé. L’homme, comme les bonobos, est un être social et il est donc tout à fait normal que nos instincts de base soient similaires. Mais cela n’entraîne pas donc des comportements similaires, dans le domaine des relations (sexuelles et autres), des reconnaissances hiérarchiques, des relations d’autorité entre les membres du groupe féminin et masculin, du développement de l’hostilité et de l’amitié, etc. Là-dedans, des facteurs non instinctifs jouent également un rôle important et souvent décisif chez l’homme.
Frans de Waal décrit de nombreux exemples émouvants de soins empathiques chez les primates et autres animaux, qui nous touchent émotionnellement en tant qu’êtres humains et qui doivent nous préparer à l’acceptation d’un lien évolutif entre le comportement animal et la morale humaine. Certains d’entre eux semblent assez sensationnels, par exemple des corbeaux toilettant leurs amis avec leur bec après qu’ils ont été vaincus par d’autres congénères. Mais en fait, tous les amis des animaux peuvent donner des exemples de cela et la plupart d’entre nous ont par exemple déjà expérimenté à quel point un chien peut être fidèle et affectif. La loyauté et l’affectivité ne sont-elles pas des qualités « morales » ? Les abeilles qui donnent leur vie sans hésitation ne montrent-ils pas d’« héroïsme » dans la défense de leur nid, quelque chose pour lequel les hommes obtiennent des décorations, des statues ou des noms de rues ?
Par conséquent, l’auteur écrit à la p.28 : « Au lieu d’avoir développé notre moralité par une réflexion rationnelle, notre passé en tant qu’espèce sociale nous a donné un grand coup de pouce ». Ce grand coup de pouce, selon lui, consiste en une évolution comportementale darwinienne progressive à partir de laquelle notre moralité aurait découlé. Mais ce raisonnement ne tient pas compte du fait que ce que nous considérons comme « la morale » est un ensemble de préceptes écrits ou non écrits, qui sont abstraits de caractère. Vous pouvez les imprimer dans les têtes et les esprits d’enfants humains, mais pas en tant que tels dans les cerveaux des animaux. Les animaux n’écoutent pas une voix dans leur cerveau qui leur dit de prendre soin de leurs proches ou de défendre leur communauté, ils le font automatiquement, propulsés par leur instinct et aidés par des automatismes appris (sous la pression du grouppe, la peur de représailles par un animal de rang supérieur, des exemples de soins maternels, etc.).
En revanche, en tant qu’êtres humains, nous écoutons nos consciences, dans lesquelles les différentes valeurs que nous avons acquises sont pesées les unes contre les autres avant de prendre des décisions concrètes. Puisque nous avons la libre volonté, ils peuvent être bons et mauvais. Cela ne signifie pas que nous sommes bons ou mauvais de nature, mais que nos actions nous « rendent » bons ou mauvais. Ces actes peuvent aussi être des paroles, comme le Christ nous l’a enseigné : « les choses qui sortent de la bouche viennent du cœur, et ces choses-là souillent l’homme » (Matt. 15:11). Bien sûr, un homme chrétien a aussi des peurs et d’autres impulsions instinctives qui peuvent déterminer son comportement concret, mais si sa libre volonté et ses croyances religieuses sont assez fortes, il les contrôlera et, si nécessaire, se laissera jeter devant les lions, croyant en la résurrection promise. Les animaux ne peuvent pas « croire » en des choses qui ne peuvent pas être vécues ou qui ne sont pas observables et leurs comportements ne peuvent donc pas être influencé par eux. Le « patriotisme » ne peut pas être expliqué à un bonobo, mais de nombreux bonobos défendront probablement instinctivement et sans hésitation leur groupe s’il est en danger.
Si l’on creuse un peu plus profondément ou si l’on pense au-delà d’un cadre matérialiste défini de façon obligatoire, il faut conclure qu’il existe effectivement un « fossé » entre la base du comportement humain et le comportement animal. Cet écart ne peut être comblé de manière évolutive. Après tout, il a un caractère spirituel, parce qu’il est avant tout le résultat de ce que nous croyons et avec quoi nous nous identifions. En effet, pour quelqu’un qui croit peu ou pas aux réalités surnaturelles ou spirituelles et qui retrouve une grande partie de lui-même chez les animaux, il peut être difficile de tenir compte de cette distinction fondamentale. L’issue de son raisonnement est fortement influencée par cela. Frans de Waal voit apparemment peu ou pas de différence entre la croyance et la superstition et le résultat est qu’il sous-estime ou perd de vue la grande influence de la première sur nos comportements moraux et qu’il reste coincé dans des explications évolutionnaires.
Et les Néandertaliens ? (**)
Lorsqu’il parle de notre parent très étudié, l’homme de Néandertal, son explication devient plus pertinente. Cette sous-espèce de l’homo sapiens avait-elle une conscience morale largement comparable à celle de l’homme moderne d’aujourd’hui ? D’après ce qui précède, nous voyons que cela dépend en grande partie des « croyances » que ces hominidés peuvent avoir tenu. Le problème est que c’est un tour de force de déduire, à partir d’artefacts récupérés sporadiquement, le monde spirituel des idées de ses créateurs ou utilisateurs. Si nous trouvons des tombes, nous pouvons soupçonner qu’il y avait une foi ou de l’espoir dans une vie après la mort, mais il peut aussi bien s’agir d’une expression générale de respect, accompagnée par le soin de la préservation des restes d’un membre estimé de la tribu. Le livre discuté ici cite des exemples d’éléphants s’approchant respectueusement des restes de leurs pairs et de chimpanzés qui présentent un comportement de deuil à la mort de membres de leur tribu.
Avant de tirer des conclusions de publications archéologiques sur les Néandertaliens, il faut savoir qu’une partie de leur contenu consiste en des « interprétations », obtenues sur la base d’imagination, de projection et de comparaison avec des modèles ethnographiques éventuels. On sait déjà beaucoup sur cette espèce disparue, avec laquelle nous sommes étroitement apparentés. Très probablement, ils avaient de nombreux comportements similaires aux nôtres, car ils avaient un grand volume cérébral (même légèrement plus grand que le nôtre), ils avaient atteint un certain niveau technologique (principalement appelé le Moustérien)et ils avaient selon toute vraisemblance développé une certaine capacité à parler. Ce dernier est une étape importante vers la possibilité d’une pensée abstraite qui, comme indiqué ci-dessus, est une exigence fondamentale pour parvenir à une « morale » humaine.
Les recherches actuelles montrent que les Néandertaliens se sont partiellement mêlés à l’homme moderne (± 4% de l’ADN humain européen est d’origine néandertalienne) et qu’ils enterraient leurs morts. Ils auraient laissé des traces que l’on pourrait qualifier d’« art ». Sur les pp.77-78 Frans de Waal mentionne quatre cas qui doivent montrer que le soin des faibles existait déjà chez les Néandertaliens, mais deux d’entre eux appartiennent bel et bien à l’homme moderne. Les deux autres appartiennent à des néandertaliens relativement récents (Shanidar1, ± 50.000 BP, et La Chapelle-aux-Saints, ± 60.000 BP).
Il me semble pas du tout clair dans quelle mesure les réalisations constatés sont originaires des Néandertaliens, ou le résultat de contacts avec des humains modernes. Selon Frans de Waal, qui assume une bonté de l’homme semblable à celle du bonobo et enraciné de manière évolutive, cela prouve que « la morale a au moins cent mille ans de plus (?) que les civilisations et les religions actuelles » (p.78) et que nos ancêtres se sont peut-être liés d’amitié avec les Néandertaliens et qu’ils ont été sexuellement attirés par eux (p.77). Personnellement, je pense qu’il est beaucoup plus probable qu’ils chassaient les Néandertaliens et emmenaient certains d’entre eux comme « esclaves ». L’histoire montre que leurs descendants ont pris leurs pairs en esclavage, pourquoi ne l’auraient-ils pas fait avec une sous-espèce anatomiquement très différente ? Le fait que diverses traces de cannibalisme aient été trouvées chez les Néandertaliens est encore en discussion et nous ne le prenons pas en compte ici.
Évaluation d’un point de vue chrétien
Les exemples cités par Frans de Waal semblent indiquer une « bonté naturelle » qui existerait dans la création, en plus de la présence évidente de comportements compétitifs et agressifs. En tant que chrétiens, nous aimerions bien sûr saluer ces conclusions, mais il est clair que, dans de nombreux cas, les comportements concrets de l’homme moderne ne correspondent pas à cela et que, dès notre plus lointaine histoire, nous n’étions pas des anges les uns pour les autres et encore moins pour les autres créatures. L’histoire humaine a été marquée depuis son commencement par la lutte entre le bien et le mal, entre l’altruisme et l’égoïsme, entre la foi et l’incroyance, etc. Malgré tous les exhortations religieux ou laïques à aimer, ce conflit sera toujours là.
Il ne faut pas non plus douter que le remplacement proposé par Frans de Waal de la morale religieuse par une « morale » fondée sur la science évolutionniste ou dérivée de celle-ci ne résoudra pas ce problème fondamental. Après tout, l’homme possède une libre volonté, et à son tour celle-ci est voulu par Dieu. Une « empathie » scientifiquement définie pourrait théoriquement être enseignée et imposée, mais cela ne peut pas conduire à la « sympathie » et encore moins à l’amour. Ce dernier a besoin de liberté, et puisque le Dieu en qui nous croyons en tant que chrétiens nous aime et veut que nous l’aimons réciproquement, Il a doté l’homme de libre volonté, avec toutes les conséquences qui en découlent. Cette vérité fondamentale ne peut être acceptée et comprise que par la foi de Dieu. La science ne peut rien nous apprendre à ce sujet.
C’est aussi, par exemple, sur lequel repose la valeur éternelle du mariage chrétien. Une promesse pour toujours ne peut être faite que devant L’Éternel. Sur cela à son tour est basé le quatrième commandement, celui de respect pour les parents. Ce respect ne peut être atteint que dans une relation stable, dans laquelle les enfants connaissent, reconnaissent et surtout aiment leurs parents. L’amour est le mot clé ici, et le fondement solide de cet amour est celui que nous chérissons pour Celui qui nous a donné la vie en premier lieu, avant même que nos parents ne nous aient transmis ce don. Le mariage doit être protégé, non seulement vers l’extérieur, mais aussi vers l’intérieur : « Vous ne convoiterez pas la femme de votre prochain. » Tachez d’expliquer ça à des bonobos avides de sexe.
En fait, Frans de Waal a tort sur toute la ligne, pour la simple raison que “la morale” n’existe pas. En revanche il existent des morales nommées chrétienne, bouddhiste, islamique, des morales animistes, …. Comme nous l’avons déjà mentionné, ils sont tous de nature abstraite et, en outre, ils sont soutenus par des valeurs fondamentales intouchables. Pour cette raison les 10 commandements ont été ciselés dans la pierre. Selon l’histoire biblique, ces tables de pierre ont été remises à Moïse par Dieu sur le mont Sinaï (Ex.50, 31:18). On peut prendre cela au pied de la lettre, comme l’auteur suppose que la plupart des croyants le font (p.202). Mais pour beaucoup de croyants contemporains, il est plus évident qu’ils ont été travaillés par Moïse ou ses secondeurs, après qu’il avait reçu de Dieu les commandements dans la solitude de la montagne désertique. L’intention était qu’ils soient lus, rappelés, transférés et préservés. Les Israélites et leurs descendants juifs l’ont fait depuis. L’Arche de l’Alliance a longtemps été le refuge sacré des commandements de Dieu et cette tradition s’est poursuivie plus tard dans les synagogues, où les parchemins de la Torah sont conservés dans une « arche ». Ils incluent « l’essence spirituelle » du peuple juif, comme les livres de l’Évangile le sont pour les chrétiens et le Coran pour les musulmans. Les chimpanzés ne savent pas lire, et même s’ils le pouvaient, ils n’y comprendraient pas.
Il est bon que nous étudions le comportement des animaux, parce que cela nous apprend à mieux les comprendre et à les aider dans leur survie. Il nous apprend sans aucun doute aussi quelque chose sur les instincts de base et les émotions qui guident également en partie notre comportement. Mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que chaque espèce a développé ses propres modèles de comportement social et que les règles de conduite animales ne doivent pas être confondues avec la morale. Les comportements sociaux des animaux servent à maintenir l’unité au sein de leurs communautés. Cela s’applique également à l’homme dans une certaine mesure, mais la distinction fondamentale est que les gens ont non seulement des besoins animaux (physiques), mais aussi spirituels et que ces derniers sont primordiaux pour la plupart d’entre eux. Une communauté humaine qui fonde son comportement uniquement sur ses impulsions biologiques et ses nécessités est évolutivement régressif. Elle recule au lieu d’aller de l’avant. Pour les partisans d’une évolution aléatoire sans but, ce n’est peut-être pas si grave. Mais eux aussi aiment se dire « civilisés » et se rendent probablement compte que – bonobos inclus – il n’y a pas d’animaux « civilisés » desquels la plupart des gens aimeraient adopter le comportement.
Le besoin spirituel susmentionné et le désir de liberté humaine sont les raisons pour lesquelles les expériences avec les États athées ne peuvent être maintenues qu’avec une main dictatoriale dure et échouent assez rapidement. C’est aussi pourquoi Frans de Waal lui-même doit admettre (p. 279) : « Comme Robert Mc. Cauley dit (…) le symbolisme religieux est tout à fait naturel pour l’homme, alors que la science ne l’est pas. Le premier suit l’intuition évoluée, le second nous oblige à suspendre, voire à contrecarrer, notre façon naturelle de penser. » Je ne pense pas que la pensée scientifique et la curiosité « vont à l’encontre de notre nature », mais tout le monde peut au moins voir que nous ne pouvons pas nous passer de certaines formes de « foi ». Soit dit en passant, l’« intuition » ne nécessite elle pas une explication spirituelle? Pourquoi ne pas parler d’une « intuition mutée brusquement dans la foi de Dieu » ?
Certaines personnes aiment croire en la divinité d’un souverain, d’autres dans les possibilités illimitées de la science, etc. Un chrétien apprend de la Bible que l’homme, tel qu’il est voulu par son Créateur, doit croire en Lui et en Lui seul. Comme le Christ nous l’a enseigné, c’était ainsi « dès le début », c’est-à-dire depuis l’émergence du premier couple humain moderne, avec laquelle nous sommes tous connectés à la fois biologiquement et spirituellement. La base de cette foi n’est pas la peur de l’irrévocable de la mort (p.251), ou la peur de Dieu en tant que « souverain absolutiste » (p.237), ou la peur superstitieuse des éléments naturels (p.261), ou comme « soutien des lois comportementales naturelles », comme un bonobo est mis dans la bouche à la p.309. La vraie foi religieuse est basée sur la compréhension intuitive fondamentale que le miracle de la vie nous enseigne qu’il y a un Créateur et, en outre, le fait que notre nature spirituelle vise à aimer ce Créateur. Cette foi « intuitive » n’est pas évoquée ou maintenue par des traités théologiques ou scientifiques, mais par Dieu lui-même, Celui qui s’appelle « Je suis » et qui nous a enseigné, entre autres choses, « Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux » (Matt. 10:31).
IVH
(*) Les pages mentionnées dans cette traduction sont celles de la publication néerlandaise de Frans de Waal : De bonobo en de 10 geboden. Éd. Contact Atlas ; livre numérique de Bookspot, publié en avril 2013.
Publication française : Frans de Waal, Le bonobo, Dieu et nous. A la recherche de l’humanisme chez les primates. Livre numérique, éd. Les Liens qui libèrent. Parution : octobre 2013.
(**) « L’homme moderne » se réfère ici aux parents des hommes actuels, descendant d’un noyau familial original commun (dans la Bible Adam et Eve). L’homo sapiens neanderthalensis, l’homme de Denisova, l’homme nain de Flores, toute autre espèce apparentée et même les membres anatomiquement étroitement liés à notre « sous-espèce » biologique qui vivaient en même temps que les « humains modernes », n’en font pas partie. Les résultats de la recherche sur l’ADN montrent qu’il y a eu un certain degré de mélange génétique entre les humains modernes et plusieurs de ces groupes, et aussi que les groupes susmentionnés en tant que tels ont depuis longtemps disparu. Beaucoup de recherches sont encore nécessaires à cet égard, mais sur la base de la situation actuelle, nous pouvons supposer que nous partageons tous la même parenté ancestrale commune et que toutes les races humaines actuelles appartiennent à la même famille humaine. Dans notre section « Évolution créative », nous approfondissons cela.