16-11-2011
Le Dieu commun des chrétiens
Jésus posa la question : « Mais quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-Il encore la foi? ». Il laissa la réponse ouverte, et ce silence est éloquent sur la nature de la foi. La foi n’est pas basée sur des garanties juridiques, des découvertes scientifiques ou des prédictions raisonnablement établies, mais elle est intimement liée à l’espérance, la confiance et la charité : pas des réalités matérielles, mais spirituelles. Elles ont peu de signification pour un cerveau rationnel, malgré le fait qu’elles soient les principales forces qui déterminent l’histoire de l’homme et du monde. La foi fait penser à une petite fleur qui, pour la première fois, sort du sol et se lève depuis l’obscurité souterraine, vers la lumière du chaud soleil vivifiant. La petite plante n’a reçu aucune certitude pour son avenir, mais elle croit en lui, elle cherche son chemin et elle grandit, poussée par les forces invisibles qui font partie de l’essence de la vie. . .
De telles considérations sont très belles et émouvantes, et elles nous apprennent quelque chose sur l’essence de la foi qui vit ou sommeille en chacun, mais elles restent infructueuses si nous ne leur donnons aucun contenu concret. La forme la plus fondamentale de la foi, qui jette les bases de nos futurs choix de vie et décisions, est celle que fournit notre vision globale sur l’univers observable. La première question qui en découle est : « Est-ce que tout cela existe seulement par soi-même, ou est-ce l’expression signifiante d’une réalité non observable ? » Le choix de la foi que font la plupart des gens est cette deuxième réponse, mais ce choix doit lui aussi être expliqué plus avant.
L’interprétation donnée par les juifs, les chrétiens et les musulmans (les « croyants du livre » tels que les nomment les musulmans) est clair et net : il n’y a qu’un seul Dieu, qui s’est révélé à Adam et Ève, aux patriarches et aux prophètes. L’interprétation chrétienne fait encore un énorme pas plus loin : ce Dieu s’est très concrètement uni avec l’humanité, dans un moment historique déterminable, autour de l’an 1. Il a partagé avec nous en Jésus le destin de l’homme, pour nous montrer le chemin vers Lui et Il nous a offert l’aide de son Esprit. Le paradoxe qui résulte de la foi chrétienne, est que Dieu ne se divise pas en trois êtres agissant indépendamment, mais que le Père, le Fils et l’Esprit ne font qu’un. Ce point de foi, à ne pas appréhender mathématiquement par le cerveau humain, est l’axiome de base de la foi chrétienne : l’essence de Dieu transcende les limitations de notre raison humaine. Le chrétien accepte le mystère de la Trinité de Dieu et les chrétiens expriment cette croyance commune par le signe de croix.
L’Église comme corps du Christ
Le chrétien a donc un seul Seigneur, qui est à la fois Parole de Dieu incarnée, et Dieu lui-même, Créateur qui vécut comme Créature. Le chrétien ne croit pas d’abord dans des écrits, comme la Bible, le Coran ou la Torah, mais dans une Personne : le Fils ressuscité. L’Église catholique va plus loin dans cette foi de façon conséquente : elle se considère elle-même comme le corps unique du Christ. De cette équation découle logiquement son universalité, qui est représentée dans sa dénomination. Le mot grec ancien « katholikos » signifie universel. Car il y a un seul Christ et la communauté des croyants catholiques est la continuation de sa présence terrestre après sa résurrection. Unique et donc universelle : l’Église catholique ne peut pas être autre chose. Tout ce qui la divise est totalement en contradiction avec sa nature même.
Le leadership unificateur du Pape
Cette universalité essentielle est clairement reflétée dans la façon dont l’Église catholique est composée et accomplit sa tâche. Elle n’a qu’une seule tête, le successeur de Pierre. Tous les évêques sont dans l’esprit unis à l’évêque de Rome, qui a le dernier mot sur les questions importantes de la foi, comme dans la nomination de nouveaux évêques ou leur éventuelle déposition dans le cas où leurs paroles ou leurs actions seraient non conformes avec l’enseignement constant de l’Église. La place unique du Pape dans le catholicisme est le roc sur lequel le Christ a établi son Église. Quiconque en doute, ou sape l’autorité spirituelle du Pape, ne peut plus lui-même se considérer comme un catholique authentique ou se présenter comme tel de manière honnête. La direction spirituelle du Pape n’est pas une invention artificielle de l’Église elle-même, mais répond simplement à la volonté de son Fondateur.
Il est important ici d’entrer plus dans le détail. Que la direction de Pierre fût effective et voulue par Jésus, est confirmé dans différents textes évangéliques. Puisque Jésus était évidemment le Chef lui-même, il est clair qu’il fit cela pour assurer la cohérence future de son Église. Au sujet de la succession de Pierre, règne encore assez bien de confusion. Cela doit être distingué de la nomination d’un évêque. Cela se fait à travers une chaîne ininterrompue d’imposition des mains qui remonte aux premiers apôtres. Choisir un nouveau primat ou Pape (= père) passe cependant par une décision conjointe des principaux évêques. Le Pape ainsi élu sera automatiquement nommé évêque de Rome et non l’inverse ; cette nomination est une décision ecclésiastique secondaire, pour des raisons historiques, et n’a pas une importance fondamentale. L’Église a évidemment besoin d’une résidence permanente (Cité du Vatican à Rome) pour sa direction, comme chaque état a besoin d’une capitale. Toute communauté (religieuse) ou nation a un personnage central (président, roi, pape …) qui doit trancher certains choix et doit assurer l’unité. Dans l’Église anglicane, il y a même un chef civil, le monarque britannique. Des chrétiens d’autres tendances mais d’esprit œcuménique, ont également commencé à en ressentir le besoin. Récemment l’évêque évangélique Ulrich Fischer appela à une reconnaissance de la primauté honoraire du Pape.
Dans une certaine mesure, les parties de notre corps ont une autonomie limitée, mais celle-ci ne sait ou ne peut les mener à des situations qui les font se contredire l’une l’autre. Toutes les parties d’un corps doivent répondre à une même finalité générale. Un hémisphère du cerveau ne peut penser à quelque chose qui va à l’encontre de l’autre hémisphère, sans que cela n’entraîne de graves problèmes psychologiques ou des formes de schizophrénie. Une jambe ne peut aller dans une direction différente de l’autre, car cela conduirait à des dommages corporels graves. De même, existe au sein de l’Église une marge raisonnable d’autonomie d’action, de pensée et de foi. Mais lorsque des parties de l’Église se contredisent formellement sur des questions cruciales de la doctrine et de la pratique, alors cela va très mal. Si les convictions ou comportements d’une personne sont en contradiction formelle avec les enseignements officiels de l’Église et les principales déclarations papales à ce sujet, alors sa place est ailleurs, dans une autre communauté religieuse, de sa propre fabrication ou non, mais certainement pas dans l’Église catholique.
L’importance du droit ecclésiastique
L’Eglise n’est pas un fourre-tout qui tient ensemble grâce à des gens qui s’y sont appropriés un statut ou une fonction stable, mais c’est une communauté de croyants qui, réunis par la même doctrine, reflètent le souhait du Christ : « Que tous soient un, comme Toi Père et Moi sommes Un. » Cette volonté d’unité fut, dès le début du christianisme, poursuivie et mise en œuvre en interne, e.a. par des conciles qui s’occupèrent de déviances de la foi, qui furent étiquetées comme hérésies. Afin de promouvoir cette unité, l’Église a mis l’accent sur l’importance de règles uniformes dans de nombreux aspects de la vie catholique, comme la liturgie, l’usage des sacrements, les nominations, etc. Des règles canoniques ont été émises qui ont abouti à ce que nous appelons maintenant le « droit canonique ». D’autres églises chrétiennes ne purent s’en accommoder, et se sont séparées, mais toutes sont conscientes que cela est incompatible avec la volonté du Christ.
La liturgie commune comme signe d’unité universelle
L’élément clé par excellence, dans la recherche de l’unité de l’Église catholique, est sans aucun doute la Sainte Messe. Il y est remémoré comment le Christ s’est identifié avec la souffrance de l’humanité et a fait don de son corps pour le pardon des péchés. Pendant l’Eucharistie, les fidèles sont invités à se nourrir du corps du Christ et à s’unir de leur part à Lui de cette manière. L’Eucharistie est donc la célébration de l’unification des croyants dans le Christ. C’est pourquoi l’Église juge d’autant plus important que la Sainte Messe soit célébrée d’une même manière universelle, à laquelle les croyants du monde entier peuvent participer, et en même temps suivre sans problèmes les gestes liturgiques.
Pendant de nombreux siècles, il n’exista donc dans l’Église catholique romaine principalement qu’une seule langue liturgique, le latin, langue dans laquelle avaient lieu les services religieux. Cette convention a eu l’inconvénient d’être au détriment de l’approfondissement de la foi, parce que beaucoup de croyants ne comprenaient pas le sens de la prière. Elle a également entravé la poursuite de l’œcuménisme, la réunion avec d’autres communautés chrétiennes. Après le Concile Vatican II, l’obligation d’utiliser le latin fut donc abolie. Mais assez récemment, pour donner suite au souhait de certains croyants qui considèrent comme plus respectueux le rite latin, connu sous le nom de messe tridentine, cette dernière fut réintroduite comme une possibilité approuvée et de plein droit pour les services religieux. En outre, existent encore d’autres formes de services religieux, e.a. dans le rite oriental, qui traditionnellement sont restées acceptées par l’Église catholique.
Précisément parce que l’Église est universelle et rassembleuse, il est particulièrement important que les liturgies eucharistiques soient basées sur des règles uniformes, conduisant à un rite facilement reconnaissable, avec une haute valeur symbolique pour la foi. Les prêtres qui ont abandonné cette universalité, par présomption ou par un besoin mal contrôlé d’originalité, pèchent non seulement contre leur vœu d’obéissance, mais brisent aussi l’unité et la solidarité qui caractérisent la véritable Église du Christ. Le résultat est que les croyants se voient offrir une messe qui conduit plutôt à la séparation qu’à l’union. Plus d’une fois, la question peut se poser de savoir si c’est encore une Sainte Messe dans le sens catholique du terme. Certaines messes dans nos paroisses sont plus apparentées à une expérience de groupe créée localement, au profit d’une secte séparée de Rome, sous la direction d’un gourou fonctionnant de manière indépendante.
Le rôle des prêtres
Il va de soi que les prêtres eux-mêmes jouent également un rôle essentiel dans la construction de l’Église du Christ dans la solidarité et de l’unité. Ils personnifient tous tant qu’ils sont, pour la communauté des croyants, le Christ lui-même. Dans chacun d’eux, nous devrions plus que L’entrevoir. Cela arrive surtout si leur attitude est caractérisée par l’humilité, la patience et l’écoute quand il s’agit de répondre aux besoins de leurs semblables, et par la décision, l’autorité et la clarté quand il s’agit de la proclamation de la foi. L’attitude de certains de nos pasteurs catholiques est cependant caractérisée par la combinaison inverse. Bien qu’ils soient appelés prêtres, ils se comportent davantage comme s’ils voulaient être des travailleurs sociaux et leurs proclamations de foi ressemblent plus à des discours politiques, pleins de déclarations populistes et de généralités assommantes. Au lieu de montrer à leurs semblables les chemins spirituels qui mènent à Dieu, ils les laissent errer dans un milieu mondain où il est seulement question de la satisfaction de besoins matériels.
Les raisons du célibat obligatoire des prêtres
Une autre valeur qui favorise l’unité dans la vie de l’Église catholique, celle du célibat sacerdotal, est aujourd’hui assez controversée. Dans notre environnement sexualisé, le célibat, comme conduite volontaire et digne du clergé, joue cependant un rôle important, comme signe de guérison, de libération et de sanctification. Du point de vue humain, en ces temps de rareté de prêtre, il est compréhensible que certains prêtres, qui restent eux-mêmes fidèles à leurs vœux de célibat, préconisent l’abandon de cette condition liée à leur office ecclésiastique. Néanmoins, l’on peut, à partir d’un point de vue réaliste de l’histoire de l’Église, conclure que cette exigence a été très fructueuse, tant et si bien que l’on peut supposer qu’elle fut inspirée par l’Esprit Saint lui-même. Le célibat obligatoire des prêtres est dans l’ensemble l’une des meilleures règles jamais énoncée par la direction de l’église. C’est d’abord l’un des meilleurs obstacles pour exclure les candidats pas vraiment motivés. Aussi important est le fait qu’un célibataire est beaucoup plus indépendant qu’un homme marié. Par conséquent, il est beaucoup plus difficile de le mettre sous pression par des forces hostiles à l’Église, et il ne se voit pas placé devant le dilemme entre ses obligations familiales et sa mission de berger d’une communauté ecclésiale. (*)
On peut énumérer d’autres avantages liés à l’enjeu du célibat, comme éviter les formes de népotisme (favoritisme injuste de parents). Ce dernier point a de toute façon été la principale justification historique du célibat sacerdotal obligatoire. Mais cette question mène à vrai dire bien plus loin et plus profond. Un bon prêtre n’est pas seulement un représentant du Christ, il l’incarne dans une certaine mesure. Par conséquent, un prêtre idéal est celui qui, comme Lui, « ne se marie pas pour la cause du Royaume des Cieux ». Cette décision peut être prise aussi bien par des femmes que par des hommes. Mais comme, selon le plan de Dieu, seules les femmes sont capables de procréer et faire l’expérience de la grandeur de la maternité, seuls les hommes peuvent donc, en tant que prêtres au service de leurs semblables, incarner le Christ, Celui qui vécut réellement parmi nous, physiquement comme un homme célibataire. Il est la pierre angulaire de son Église et ses prêtres sont les clés de voûte, qui sont nécessaires pour faire de l’Église universelle, de manière crédible, un tout cohérent et harmonieux, et pour la maintenir ainsi.
Alors remercions Dieu pour les bons et fidèles prêtres qu’Il nous a envoyés. Prions pour que l’Esprit de Dieu inspire en permanence de nouveaux prêtres, comme de vrais prophètes dans leur temps. Demandons aussi le pardon pour les prêtres qui « savent tout mieux » et qui suivent un esprit différent : celui de leur temps.
(*) Bien sûr, il y a aussi beaucoup d’arguments contre le célibat sacerdotal. On prétend, par exemple, que ce serait la cause des scandales d’abus malheureux qui ont frappé l’Église catholique. Cela peut facilement être réfuté, parce que ces scandales ont également eu lieu dans d’autres communautés religieuses et d’autres secteurs sociaux, sans obligations de célibat. Le pourcentage le plus élevé d’abus (65 à 85 % selon Child Focus e.a.) se produirait au sein des familles. Un inconvénient objectif, bien sûr, est que l’obligation de célibat réduit le nombre de candidats prêtres. Mais cela aussi est relatif, parce que les églises occidentales sans cette obligation font également face à une pénurie de candidats pasteurs. Les véritables raisons sous-jacentes de ce déficit se trouvent donc ailleurs.