Sur les pouvoirs du mal et le mal dans le pouvoir

09-11-2012

On trouve sur notre planète beaucoup de formes différentes de pouvoir. Il y a par exemple le pouvoir des armes, le pouvoir de l’argent ou celui des autorités. Le pouvoir est associé à la capacité d’imposer quelque chose. La fascination pour tout ce qui concerne le pouvoir domine une grande partie de la vie sociale et culturelle. Elle se traduit par des histoires, des représentations théâtrales et des films. Un bon exemple en est le succès des adaptations de Harry Potter, des films dans lesquels le pouvoir de la magie joue un rôle central. Il y a aussi beaucoup de formes indirectes de pouvoir : les médias, par exemple, sont nommés le « quatrième pouvoir » (à côté des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire). Même l’Église est accusée « d’avoir trop de pouvoir ». Ce fut certainement le cas dans diverses périodes du passé. Mais dans le contexte actuel, une telle affirmation reflète plutôt une expression d’envie, de haine ou de frustration. Car il ne reste guère aujourd’hui que de simples possibilités d’influence, qui se limitent en principe aux domaines spirituel et religieux, et ce dont l’Église n’a certainement pas le monopole.

Le pouvoir est quelque chose de normal qui fait partie de la vie, parce que la vie elle-même est une forme de pouvoir sur l’environnement. Cela prend mauvaise tournure quand la fascination pour le pouvoir devient une obsession ou une dépendance, et surtout si cette envie de pouvoir se concentre sur son prochain. L’autre sera rétrogradé au statut de poupée manipulable, dont les faiblesses, les besoins, les écarts, la position dépendante, les habitudes ou les réactions instinctives, sont exploités au service des objectifs personnels du dominant. À la suite des scandales d’abus mis au jour dans le domaine ecclésiastique, l’on a amplement disserté sur la relation de pouvoir entre les membres du clergé, les éducateurs ou les enseignants, et les mineurs qui leur sont confiés. Récemment, dans notre pays, un psychiatre, professeur à la KUL, a été inculpé pour abus sexuels sur ses patientes, et un pédiatre a été emprisonné après la plainte d’un de ses petits patients. On ne peut nier que la tentation de l’abus de pouvoir soit omniprésente, et même en premier lieu dans l’environnement familial, non seulement entre mari et femme, mais aussi entre proches parents et enfants.

Le Christ a aussi parlé fréquemment de « pouvoirs » et « pouvoir ». Lors de son départ, il a déclaré : « J’ai reçu tout pouvoir dans le Ciel et sur la Terre ». Pendant son agonie, Il avait déjà remis Pilate à sa place quand celui-ci lui a affirmé qu’il avait le pouvoir de le mettre à mort. Jésus lui répondit : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur Moi si cela ne t’avait été donné d’en haut » (Jean 19-11). Par ceci, il ne faisait pas allusion à la fonction de Pilate comme gouverneur, attribuée par l’empereur de Rome, mais à l’origine de tout pouvoir, qui vient de Dieu. Dieu a fait en sorte que Pilate ait temporairement le pouvoir de décider ce qui devait arriver à Jésus le Nazaréen. À partir de cette vision plus élevée sur la réalité, le pouvoir de Pilate était seulement une apparence flatteuse. En réalité, son ambition, qui lui avait apporté une certaine situation de pouvoir, fut utilisée par Dieu pour accomplir son dessein de salut. Selon la vision du monde, un Jésus impuissant fut victime d’une lutte de pouvoir entre les Pharisiens et les représentants de l’État romain. Spirituellement, Il a remporté une victoire incomparable et décisive sur le mal.

Ce mal se manifeste principalement dans l’abus de pouvoir. Le pouvoir dont dispose temporairement quelqu’un devrait être utilisé uniquement au service des autres : c’est la façon dont cela se passe dans ce que Jésus appelle «le Royaume de Dieu». Au contraire, la pratique de l’exercice du pouvoir dans les États d’aujourd’hui relève d’une nature entièrement différente. Pour beaucoup, tous les moyens possibles sont bons pour accomplir leurs idéaux de pouvoir, petites ou grandes. Que le but ultime soit l’enrichissement personnel, l’autoglorification, l’étanchement de la soif de jouissance présentée comme « amour », ou soit de nature idéologique, le résultat reste fondamentalement le même. Celui qui tient le pouvoir de fait en coulisses est Satan qui exploite les obsessions de ceux qui sont prêts à se servir de leurs semblables à leur propre profit. Comment tout cela fonctionne est magnifiquement illustré par le récit de la Genèse qui dévoile le cœur et l’origine de la misère qui afflige l’humanité depuis si longtemps : le mensonge qui interfère avec tout ce qui est vrai, noble, juste et bon.

Ce mensonge perturbe la compréhension claire de l’ensemble de la réalité dont nous faisons partie. Elle est réduite au directement perceptible, au temporaire, à notre intérêt personnel. Dans ce contexte, on fait miroiter ou on poursuit des possibilités de pouvoir, qui pour l’occasion sont auréolées à l’aide d’un objectif plus élevé (un peu similaire à ce que nous lisons ou entendons dans pas mal de slogans électoraux). Ceux qui utilisent ces spéculations fausses deviennent « spirituellement ivres ». Ils deviennent dominés par l’hybris (l’arrogance face à Dieu). “Dans les profondeurs de leurs pensées” ils s’imaginent eux-mêmes être un “dieu”, un être doué de savoirs et pouvoirs spéciaux. Cette illusion de supériorité leur donne les pleins pouvoirs pour exploiter leurs proches, de gré ou de force. À plus grande échelle, un processus similaire est à l’origine de la souffrance indicible infligée par des idéologies totalitaires. Parmi les points culminants diaboliques de ces évolutions destructrices, on trouve le fanatisme religieux ou idéologique qui mène au terrorisme aveugle ou aux actions suicides.

Comme mentionné ci-dessus, cela est diamétralement opposé au pouvoir qui émane de Jésus. Il est le « Bon Berger », Celui qui utilise son pouvoir seulement au service de ses semblables. Il nous montre la nature du vrai pouvoir non perverti, répondant à la volonté du Bienfaiteur et de la Source de toutes les possibilités de pouvoir. Il dirige ses disciples non pas avec des mesures dictatoriales, mais avec douceur, indulgence, honnêteté, transparence et énormément de patience et disposition au sacrifice. Les bons bergers qui suivent son exemple ne se donnent pas l’illusion de se croire au-dessus de leurs semblables, mais ils prient Dieu chaque jour de leur donner la sagesse nécessaire pour pouvoir aider leurs proches. Ils ne sont pas de gauche ou de droite, pas des capitalistes ou des communistes, mais simplement des serviteurs de Dieu. Ils ne sont pas motivés par la soif du pouvoir, mais par une préoccupation sincère. Bien qu’ils cherchent à éviter les bévues et les fautes, ils sont bien conscients qu’ils en commettent inévitablement tôt ou tard, et ils sont les premiers à admettre sportivement leurs erreurs. Ils témoignent sans crainte ni fausse pudeur contre ceux qui sont hostiles à Dieu ou à l’Église, et ils ne s’abritent pas dans des résidences ou des palais verrouillés. Quand ils vont à l’écart, c’est juste pour se ressourcer ou tout simplement reprendre souffle. Ils risquent leur vie pour garder dans le droit chemin ceux qui leur sont confiés, et pour protéger leurs droits. Si certains parmi leur communauté de foi se sont égarés, alors ils leur rendent visite, si besoin est en prison ou en maisons closes, avec le message que leur retour sera toujours le bienvenu. Ils ne se tracassent pas sur leurs possibilités d’occuper une place importante dans la société, mais utilisent leurs talents pour maximaliser ceux des autres.

En mettant tout cela en ligne, cela rend évident que ce n’est pas exactement le style de vie de ceux qui, dans nos sociétés, ont la parole et distribuent les rôles. Les seules communautés humaines qui échappent plus ou moins à cette règle générale se trouvent ou se trouvaient chez certains peuples primitifs, qui survivent dans des régions aux confins de notre monde, entre autres dans le désert du Kalahari, en Arctique ou ailleurs dans les forêts tropicales denses. Les conditions naturelles extrêmes ont forcé les gens de ces régions à une convivialité maximale réciproque et à une relation intelligente avec la nature dont ils étaient totalement dépendants. Surtout depuis le début de la révolution néolithique, cette vie communautaire adaptée harmonieusement à la nature a disparu tout à fait dans les zones qui étaient propices à l’agriculture et au stockage de réserves alimentaires. L’homme s’y organisa dans des communautés structurées de façon hiérarchique, où l’approche solidaire face à des conditions naturelles dures et changeantes, fit place à une concurrence en vue de la conquête des meilleures places sur l’échelle sociale. Généralement elles furent prises par ceux qui étaient poussés par la plus grande soif de pouvoir et par leurs proches. Le partenariat grâce auquel la nature était bravée, et pour lequel l’expérience des personnes âgées était cruciale, a été peu à peu remplacé par des lois qui visaient à ancrer fermement les positions de pouvoir. La solidarité mutuelle a cédé la place à la jalousie, la haine et l’envie. Le Serpent mensonger qui avait déjà dressé nos premiers ancêtres contre Dieu et l’un contre l’autre, a connu depuis lors un âge d’or, et un esprit pervers a progressivement pénétré le monde artificiel qui ainsi s’était formé. L’humanité perdait en grande partie le contact avec son Créateur et comblait ce vide avec des dieux de sa propre fabrication. Des mœurs dévoyées imprimaient de plus en plus leur empreinte sur ce que nous nommons des « civilisations » et « cultures » historiques, incluant des atrocités effrayantes, des sacrifices d’adultes et d’enfants, du cannibalisme et des comportements sexuels pervers.

En dépit de cette dégénérescence, le Créateur ne laissait pas tomber sa créature préférée, l’homme. Il a envoyé des prophètes qui ont transmis ses messages, mais trop peu d’entre eux furent écoutés. Punir, Il le fit uniquement lorsque aucun autre recours n’existait. Une fois, Il se vit contraint de faire table rase et de châtier l’humanité avec un Déluge, mais toujours Il a laissé de nouvelles chances. La plus grande d’entre elles nous a été offerte dans une simple étable de Bethléem : le Sauveur, qui là nous a été donné, a enseigné à l’humanité comment elle devait se dégager du bourbier de la lutte mutuelle pour le pouvoir. De ce qu’Il nous a témoigné et enseigné, nous pouvons extraire des conclusions sociétales qui montrent des similitudes avec le mode de vie des peuples primitifs déjà cités : le statut des dirigeants qui n’ont pas plus de droits, mais plus de devoirs, la confiance dans les possibilités de la nature dans laquelle on reconnaît la main du Créateur, la solidarité réciproque, l’hospitalité pour l’étranger, le respect et la gratitude pour la vie. Il a guéri l’obsession maladive pour le pouvoir en nous menant à la joie intérieure qui accompagne l’humble disponibilité.

« Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument » est une déclaration extraite d’un essai de Lord Acton, assez souvent attribuée à l’ancien président Richard Nixon et à d’autres experts par leur vécu. Rares sont ceux qui, dans le cours de l’Histoire, ont été en mesure de résister aux tentations qui surviennent avec la possession du pouvoir et de mettre en œuvre de façon optimale les possibilités qui s’offraient à eux de servir leurs contemporains. Pour la plupart d’entre eux, ce fut un cadeau empoisonné, qui ne fut pas du tout offert par Celui qui est la source de tout pouvoir, mais par le Grand Séducteur. Ainsi, le pouvoir arrive surtout aux mains du mal et devient une source polluée de misère et de désespoir. Même le pouvoir religieux tombe dans cette catégorie, et pour cela nous devons remercier Dieu que la situation de pouvoir de notre Église est fortement réduite. Ce n’est pas la restauration d’une théocratie médiévale que doivent viser les catholiques contemporains, mais une crédibilité renouvelée de notre Église dans un service enthousiaste. Mère Teresa et d’autres saints de notre temps nous ont montré l’exemple.

Que Dieu bénisse dans la joie et dans la paix les cœurs de tous ceux qui ont compris cela et qui mènent leur vie en conséquence.

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