Sources : http:// lesoupirailetlesvitraux.hautefort.com , 14-09-2011 et Wikipedia.
Comprendre le « Gender »
Pour comprendre le complexe phénomène idéologico-universitaire qu’est le “Gender”, intéressons-nous à l’une de ses figures fondatrices, le Dr John Money (1921-2006), dont son collègue Robert Porto fait ici l’éloge :
Professeur de psychologie médicale et pédiatrie, Money est un des chercheurs en sexologie les plus connus ainsi qu’un pionnier dans l’étude de la sexualité et de l’identité de genre. Il fut à l’origine de la création du « Johns Hopkins Gender Clinic » le premier centre hospitalier des États-Unis à pratiquer lachirurgie de réassignement sexuel. Il dédia une grande partie de ses recherches aux enfants nés avec une ambiguïté génitale. Il nous a appris combien la notion de genre allait au-delà de la simple différence entre mâle et femelle et a mis en évidence la condition d’« état intermédiaire ». Nous lui devons les concepts et la terminologie d’« identité de genre » (notre propre catégorisation dans le statut masculin, féminin ou ambivalent suivant l’expérience intime de nos propres processus mentaux et comportements véritables), de «rôle de genre » (ce que nous disons et faisons qui permet aux autres de nous identifier en tant que mâle, femelle ou ambigu), et de « lovemap » (1). Qualifié de génie par certains (G.K. Lehne), il fut critiqué par d’autres à la suite de sa position en faveur de la chirurgie précoce de changement de sexe (avant trois ans) pour les enfants avec anatomie sexuelle ambiguë. […] Par ailleurs, la position de John Money suivant laquelle la pédophilie « affectueuse » (sans aucune contrainte et mutuellement souhaitée) pouvait ne pas être considérée comme pathologique, constitua un autre sujet de dissension avec le milieu médical. (2)
Un article de Wikipédia décrit le parcours tragique d’un patient canadien du Dr John Money (3) :
Appelé Bruce à sa naissance en août 1965, David Reimer est né garçon et en bonne santé, avec un un frère jumeau identique, Brian. Quand ils eurent six mois on s’inquiéta de voir que les deux garçons rencontraient des difficultés à uriner et on diagnostiqua un phimosis. Il fut donc décidé de les faire circoncire à l’âge de huit mois. Le pénis de Bruce se retrouva irrémédiablement endommagé (brûlé par une aiguille d’électrocautérisation – Ndlr). On préféra alors ne pas faire circoncire Brian qui guérit fort bien sans traitement supplémentaire. Les parents de Bruce le conduisirent au Centre Médical Johns Hopkins à Baltimore pour soumettre son cas à John Money, un psychologue qui, dans le domaine du développement sexuel et de l’identité de genre, jouissait d’une réputation de pionnier fondée sur son travail avec des patients intersexués. Money était partisan de la théorie selon laquelle l’identité de genre est relativement plastique au cours de la première enfance et se développe essentiellement à la suite de l’apprentissage social qui la suit ; certains universitaires vers la fin des années 1960 croyaient que toutes les différences psychologiques et de comportement entre garçons et filles sont le résultat d’un apprentissage. Avec d’autres médecins qui travaillaient avec des petits enfants nés avec des organes sexuels anormaux, il pensait que, si un pénis ne peut pas être remplacé, un vagin fonctionnel peut être réalisé par une opération et que Bruce atteindrait mieux son épanouissement sexuel fonctionnel en tant que fille plutôt qu’en tant que garçon.
Sur son site TRANSIDENTITÉ, Tom Reucher, “transsexuel FtM (Female to Male) et psychologue”, précise : Money croyait qu’il était possible d’attribuer un sexe aux enfants intersexués quelques soit le sexe biologique, que l’identité de genre est “modelable” jusqu’à 2 ans. On opère donc les sexes qualifiés de “malformés” des enfants intersexes. Certains s’en trouveront très bien, pour d’autres ce sera une catastrophe. Ils ont été “transsexualisés”. Adultes, ils entament un changement de sexe parce que le sexe anatomique qu’on leur a assigné ne correspond pas à leur sexe psychologique. On persuada ses parents qu’une réassignation sexuelle serait pour Bruce le plus profitable et, à l’âge de 22 mois, on lui enleva chirurgicalement ses testicules, parce qu’il était plus facile aux médecins de lui faire un sexe féminin que de lui refaire un pénis. On recommande aux parents de l’élever comme une fille, de l’appeler Brenda, de faire disparaître toute trace de son passé comme garçon (les 8 premiers mois de sa vie) et de déménager pour faciliter ce changement de sexe. Personne ne doit savoir ni avoir de doute.
Le soutien psychologique après sa réassignation chirurgicale fut confié à Money, qui continua à voir Brenda pendant plusieurs années, à la fois pour son traitement et pour écrire une étude. Cette réassignation était considérée comme un cas particulièrement intéressant pour tester le concept d’apprentissage social d’identité de genre et pour deux raisons. D’abord, Bruce/Brenda avait un frère jumeau, ce qui constituait un contrôle idéal puisque les deux enfants ne partageaient pas seulement leurs gènes et l’environnement familial, mais ils avaient également eu le même environnement intra-utérin. Ensuite, on se disait qu’il s’agissait de la première réassignation avec reconstruction exécutée sur un bébé garçon qui ne présentait aucune anomalie dans la différentiation sexuelle prénatale ou néo-natale. Pendant plusieurs années, le Dr Money publia des rapports sur l’évolution de Brenda qu’il appelait « le cas John/Joan », décrivant chez elle un développement féminin apparemment réussi, et il utilisait cet exemple pour soutenir qu’une réassignation sexuelle avec reconstruction chirurgicale était parfaitement réalisable, même dans les cas où il n’y avait pas d’intersexuation. Cette transformation de genre a été rapportée comme un succès et la preuve que les enfants ne sont pas par nature féminins ou masculins mais socialisés par l’éducation pour devenir des filles ou des garçons.
Brian, le frère jumeau de David offrait aux chercheurs un sujet de contrôle. Durant toute leur enfance et jusqu’à ce que David refuse de continuer à le voir, les enfants (Brian le garçon et David [Brenda] la “fille”) étaient suivis par Money. (Au cours de ces examens, ils devaient se déshabiller complètement et inspecter les parties génitales de l’autre, ou regarder des images pornographiques. Le but était de découvrir dans quelle mesure Brenda avait développé des sentiments sexuels féminins. Ndlr). On donna des œstrogènes à Brenda quand elle atteignit l’adolescence pour provoquer le développement de sa poitrine. Et pourtant Brenda ressentait les visites à Baltimore comme des traumatismes plutôt que comme une thérapie, mais Money ne s’abstint de rien publier sur le cas qui pût laisser entendre que la réassignation n’avait pas été réussie.
Ce que David Reimer écrivit deux décennies plus tard, en collaboration avec John Colapinto, nous montre comment, et contrairement à ce que prétendait Money, Brenda n’avait pas l’impression d’être une fille. Elle était victime de l’ostracisme et des brimades des autres enfants, et ni les jolies robes ni les hormones féminines ne la faisaient se sentir une femme. À l’âge de 13 ans, Brenda passa par une phase de dépression suicidaire et déclara à ses parents qu’elle se tuerait s’ils l’obligeaient encore à voir John Money. En 1980, les parents de Brenda lui apprirent la vérité sur sa réassignation sexuelle, sur les conseils de l’endocrinologue et du psychiatre de Brenda. Quand elle eut 15 ans, Brenda décida de reprendre une identité masculine et se fit appeler David (4). Après avoir appris à entretenir de nouvelles relations avec son ex-sœur, Brian commença à éprouver toute une série de troubles mentaux qui se développèrent plus tard en schizophrénie. À partir de 1997, David se soumit à un traitement pour inverser la réassignation, avec injections de testostérone, une double mastectomie et deux opérations de phalloplastie.
Il confia alors son histoire à John Colapinto dans Rolling Stone Magazine et au sexologue Milton Diamond qui s’efforça ainsi de dissuader les médecins de traiter de la même façon d’autres bébés. En 2000, Colapinto écrit As Nature Made Him : The Boy Who Was Raised as a Girl, dans lequel David témoigne pour la première fois publiquement : voulant sauver d’autres enfants d’un sort similaire, il se retrouve projeté dans un violent tourbillon médiatique. Il tombe alors en dépression après avoir perdu son emploi et s’être séparé de la femme dont il avait adopté les enfants. Connaissant de graves difficultés avec ses parents, il subit enfin la mort de son frère jumeau, en 2002, victime d’une combinaison toxique d’alcool et d’antidépresseurs (sa mère suspecte qu’il pourrait s’agir d’une surdose de médicaments dont Brian avait besoin pour traiter sa schizophrénie). David Reimer se suicide en mai 2004.
Ce drame a renforcé les arguments de ceux qui estiment, contrairement aux théories de Money, que les hormones prénatales et de la toute première enfance exercent une forte influence sur la différenciation du cerveau. Cette affaire a causé un tort considérable à la réputation de Money. Non seulement sa théorie de la plasticité du genre sexuel a reçu un coup sévère, mais dans son livre David Reimer a raconté les séances de thérapie étranges et insupportables qu’il avait subies dans son enfance et il a montré que le psychologue n’avait rien vu ou rien voulu voir alors qu’il était de plus en plus évident que la réassignation de Brenda était un échec. […] La réputation du Centre Johns Hopkins, institution d’avant-garde pour les situations transgenres, a été elle aussi profondément atteinte. En définitive, la fausseté et la dangerosité des théories de la malléabilité et de la construction culturelle de l’identité de genre, déjà en déclin chez les spécialistes au cours des années 1990, ont été tragiquement révélées.
(1) Money l’a défini comme “une représentation ou un modèle de développement dans l’esprit et dans le cerveau représentant l’amant idéalisé et le programme idéalisé d’activité sexuelle et érotique projeté dans l’imagerie ou réellement engagé avec cet amant.” (Source : Wikipedia)
(2) Les théories de John Money sur la sexualité étaient apparemment alimentées par son attitude psychologique personnelle et sa vie concrète.
Dans http://transidentite.free.fr/textes/articles/the_true_story_of_John-Joan-uk.htm nous lisons sur lui ce qui suit (propre traduction) :
Sa décision ultérieure de limiter ses études à la psychologie du sexe avait une base personnelle similaire. Ayant perdu sa foi religieuse au début de ses 20 ans, Money réagissait de plus en plus contre ce qu’il considérait comme les restrictions religieuses répressives de son éducation et, en particulier, la ferveur anti-masturbatoire et antisexuelle qui les accompagnait. L’étude académique de la sexualité, qui a séparé même les pratiques les plus bizarres des considérations morales et les a placées dans le domaine « pur » de la recherche scientifique, était pour Money une émancipation. Désormais, il serait un propagandiste farouche de l’exploration sexuelle. Selon le journaliste John Heidenry, confident personnel de Money et auteur du livre What Wild Ecstacy, qui retrace le rôle de Money en tant que leader majeur dans les coulisses de la révolution sexuelle des années 1960 et 70, les explorations sexuelles du psychologue ne se limitaient pas au laboratoire, à la salle de conférence ou à la bibliothèque. Bisexuel reconnu mais discret, Money s’est engagé dans des affaires avec plusieurs hommes et femmes – « certains brièvement », écrit Heidenry, « d’autres sur une plus longue durée ». En effet, au milieu des années 1970, avec la révolution sexuelle en plein déchaînement, Money défendrait publiquement les mariages ouverts, le nudisme et la propagation de la pornographie explicite. Sa promotion de la libération culturelle sexuelle semblait sans limites. « Il existe de nombreuses preuves que le sexe bisexuel en groupe peut être aussi satisfaisant personnellement que le partenariat d’un couple, à condition que chaque partenaire soit ‘accordé’ sur la même longueur d’onde », a-t-il écrit dans son livre pop-psych de 1975, « Sexual Signatures ».
(3) Un compte rendu plus détaillé et plus complet de l’histoire de la vie dramatique de ces jumeaux peut être trouvé en anglais à : http://transidentite.free.fr/textes/articles/the_true_story_of_John-Joan-uk.htm
(4) À partir de ce moment (15 ans), il s’appellera David Reimer et traversera la vie en tant qu’homme. Il a choisi le nom de David en raison de la comparaison avec David et Goliath; lui aussi sentait qu’il s’était battu contre un « géant », à savoir les gens qui voulaient qu’il traverse la vie en tant que femme. (Source : Wikipedia).